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LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE ET LEURS CRÉATEURS

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La musique accompagne les activités humaines du berceau à la tombe et, si on excepte la voix, les instruments sont les seuls à pouvoir exprimer par leurs sonorités la foi et l’espérance, la joie et la douleur humaines. De plus, dans d’autres civilisations que celle d’Europe, les instruments de musique sont souvent l’objet de cultes particuliers ou porteurs de symboles ou de représentations cosmiques.
Le degré d’évolution de la civilisation et le niveau de vie de la société concernée ont toujours influencé de manière déterminante le développement de l’art musical et de ses instruments. La culture musicale des sociétés, appelées à évoluer de manière isolée fut lente à atteindre un niveau formel élaboré. Au contraire, la vie culturelle, et donc musicale, fit preuve d’une évolution intense aux points de rencontre de diverses influences et poussées culturelles. Ces différentes civilisations se complétaient et s’opposaient: leurs relations donnèrent lieu, à certains moments-clés de l’histoire humaine, à une nouvelle évolution qualitative de l’art musical.
Suivre le développement millénaire des instruments de musique depuis leurs archétypes jusqu’aux complexes instruments électroniques de notre époque, revient à parcourir le passionnant chemin de l’histoire de l’inventivité humaine en même temps que celle des modifications du sentiment esthétique. Selon les époques et selon les cultures, tel ou tel son perçu était jugé plus ou moins harmonieux. La popularité des instruments de musique montait ou descendait en conséquence. Lorsque la sonorité d’un instrument correspondait aux normes esthétiques locales d’une certaine époque, cet instrument était fabriqué avec maintes et maintes variations et son aspect faisait l’objet d’une attention soutenue. Les objets obtenus atteignaient souvent une telle perfection formelle que ce sont de véritables œuvres d’art susceptibles d’intéresser non seulement les musiciens et les facteurs d’instruments, mais aussi les artistes et les collectionneurs. Parfois, l’esthétique de l’instrument l’emportait sur sa musicalité. Bois précieux, ivoire, métaux

rares, servaient à sa fabrication, et il recevait des ornementations de pierres précieuses, de nacre et de lazurite. Dans ce domaine aussi l’instrument suit les modes et devient par là un document objectif des transformations stylistiques du goût. Comme toute création, l’instrument de musique n’atteint cependant sa perfection qu’au moment où il cesse d’être considéré simplement comme un meuble ou un élément décoratif, où il n’est plus non plus uniquement destiné à produire des sons, mais devient un objet qui synthétise en lui l’aspect esthétique et l’aspect utilitaire.
Déterminer l’origine des plus anciens instruments, suivre les étapes de leur évolution et établir leurs variations morphologiques est une tâche ardue. Le matériau fragile dont ils étaient faits le plus souvent ne s’est pas conservé jusqu’à nos jours et les plus anciens instruments exposés dans les collections des musées datent seulement du XVIe siècle. Il est exceptionnel de rencontrer des instruments antérieurs à cette époque: ils sont alors construits en matériaux particulièrement résistants. L’étude des instruments anciens ne s’appuie donc que sur des découvertes archéologiques isolées et sur les documents graphiques et iconographiques. Pour ce qui est des pièces archéologiques, il ne faut jamais perdre de vue le fait que, comme dans le cas des sculptures antiques, les parties fragiles des instruments, qui contribuaient à leur donner leur forme, sont les plus endommagées et que le restaurateur n’est pas toujours à même de leur rendre leur forme initiale. La même prudence s’impose face aux documents écrits: ceux-ci contiennent le plus souvent uniquement le nom de l’instrument, sans aucune indication sur son aspect ou sa fabrication. Ainsi, ce sont finalement les documents bidimensionnels qui nous donnent le plus de renseignements, car là où l’auteur d’un texte s’est contenté de citer un nom, l’illustrateur s’est vu obligé de représenter l’instrument dans son ensemble. Au contraire des textes, la peinture et le dessin mettent souvent en lumière tel ou tel détail négligé dans le document écrit. Mais même dans
l’étude des documents iconographiques le chercheur se doit de rester prudent car les instruments représentés ne correspondent pas toujours à la réalité. Voilà donc les matériaux dont disposent les organologues: documents, hypothèses, déductions ou intuitions souvent difficiles à confirmer. Et c’est sur ces bases fragiles qu’il leur faut s’appuyer pour décrire la morphologie, le fonctionnement et la tonalité des plus anciens instruments. Les chercheurs possèdent par contre une abondante documentation en ce qui concerne l’évolution des instruments classiques, depuis leur apparition jusqu’à nos jours: littérature moderne, représentations artistiques, sans parler des instruments conservés eux-mêmes.
Si les documents littéraires et les objets parvenus jusqu’à nous nous fournissent quelques données sur les anciens instruments, nous ignorons par contre tout de leurs créateurs. Les historiens de la musique eux-mêmes n’ont pas prêté grande attention à ces questions techniques, si bien que, dans la mesure où il existe quelques indications isolées, celles-ci sont à chercher plutôt dans les archives des métiers et des corporations. Pendant longtemps, il était courant pour les musiciens de fabriquer eux-mêmes leurs instruments. Le revirement s’effectua au moment de la Renaissance, qui eut une véritable passion pour les collections d’œuvres d’art. Les instruments de musique n’échappèrent pas à cette mode, surtout s’ils étaient faits de bois précieux, sculptés, décorés de pierres dures, d’écaille ou d’ivoire. C’est aussi dans le courant du XVIe siècle qu’apparaissent les grands centres de fabrication comme Nuremberg (cuivres, automato-phones), Bologne et Venise (luths), Crémone (violons) et Anvers (cordophones à claviers) etc. Plus tard, la fabrication d’instruments de musique se concentre dans des manufactures distribuées dans diverses parties de l’Europe (Paris, Füssen, Vienne, Mittenwald). Enfin, depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, elle est confiée à de véritables usines.

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